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LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE DE L’EUROPE ET DE LA FRANCE NOUS MÈNENT AU DÉSASTRE

Q. : Pourquoi le Venezuela ne produit plus de pétrole :

R. : […] choix stratégiques discutables, problèmes de maintenance, sanctions financières, vieillissement de l’outil industriel…” Google 14/01/2022

Si rien ne change on pourra bientôt remplacer Venezuela par France et pétrole par électricité…

En janvier de cette année 2022, le site Les Nouvelles de Fontenay mettait en ligne mon article intitulé La drôle de politique énergétique de l’Europe. Je suis obligé de dire 6 mois plus tard que cette drôle de politique nous mène au désastre et à la ruine d’EDF. Car nous sommes bien face à un désastre : prix du MWh astronomique, parc vieillissant dont la moitié est arrêtée, menace de black-out cet hiver, absence de vision stratégique, usines qu’on arrête pour éviter la faillite, etc. Voici pourquoi.

Déni de réalité et attitude idéologique des dirigeants

  1. L’épuisement des énergies fossiles, fatal dans un monde fini, et déjà à l’œuvre, est nié. On le constate avec le gaz : la guerre en Ukraine n’a fait que révéler et aggraver sa rareté et augmenter son prix déjà élevé.
  2. On n’a pas voulu voir le vieillissement déjà avancé du parc nucléaire alors qu’on sait qu’il a été construit dans les années 70/80. On l’a même réduit sans autre raison que faire plaisir à un parti écologiste minoritaire.
  3. La CE (Communauté Européenne) aveuglée par son idéologie du renouvelable (intermittent) et son rejet du nucléaire, confond objectifs et moyens. Elle ne voit pas que sa stratégie est très risquée (il n’y aura pas toujours du gaz, l’hydrogène vert n’arrivera pas à temps voire jamais) et ne réduit pas les émissions de CO2. En France remplacer le nucléaire par de l’éolien tend même à augmenter nos émissions de CO2.
  4. L’UE croit aux marchés : on remplace les tarifs réglementés par un prix de marché du MWh unique pour toute l’Europe. Mandelbrot a montré qu’ils évoluaient de façon chaotique, petite cause, grands effets : prix stratosphériques.

Mise en place de la concurrence : la France casse son système qui marchait bien

5. L’Etat met en place l’ARENH (vente forcée à ses concurrents, à prix réduit, de 25 à 30% de la production nucléaire installée) : depuis 2011 la ruine d’EDF est en marche. Les nouveaux entrants bénéficient d’une situation de rente. Ils n’investissent pas, ne produisent pas d’électricité mais l’achètent pas cher en gros (merci EDF), ne la transportent pas (RTE le fait), ne la livrent pas (ENEDIS le fait), ils ne font que revendre et facturer. Drôle de système. Le parc vieillitEDF se fragilise.

 6. On subventionne généreusement le renouvelable, indépendamment de sa contribution, de fait minime, à la production globale. Une autre rente !

7. Un peu partout en Europe on ferme des centrales thermiques pilotables devenues non rentables face au renouvelable subventionné et prioritaire. Le réseau européen se fragilise.

L’absence de vision stratégique s’accompagne de la prise en otage du nucléaire dans le jeu politicien depuis 20 ans…

8. Aucune stratégie de renouvellement n’est définie alors que le parc français arrive en fin de vie et qu’il faudra au moins 20 à 30 ans pour le renouveler, avec ou sans nucléaire.

9. Les gouvernants ne savent pas ce qu’ils veulent. Ils se contentent de coups et pas toujours dans le même sens. La question de l’abandon ou du maintien du nucléaire n’a jamais été tranchée. La guerre en Ukraine va-t-elle changer la donne ?

    • Moins de nucléaire : sous la pression de partis écologistes minoritaires, on ferme Fessenheim, on limite le nucléaire à 50% du parc. Le délai initial de 2025 irréaliste, montre à quel point le président Hollande et ses conseillers sont loin des réalités du monde industriel.
    • Plus de nucléaire : Comme par surprise en février 2022, Macron annonce la construction de 6 ou 14 nouveaux EPR, après avoir peu de temps avant, rappelé l’engagement de l’Etat à fermer une dizaine de réacteurs pour amorcer la descente vers les 50%. On n’arrive pas à savoir si cette annonce n’est qu’une vague intention ou une décision ferme donnant à EDF le coup d’envoi pour la construction de ces nouveaux coeurs.
    • Nucléaire ou renouvelable : on accélère l’éolien en mer et bien-sûr on oublie son intermittence
    • Moins de CO2 ou plus de CO2, fermeture ou maintien des centrales à charbon ? En tout cas St Avold bénéficie d’un sursis…
    • Sobriété ou pas, Amish ou abondance ?
    • Le temps passe, le parc continue de vieillir EPR et éoliennes en mer mettront des années avant de produire. Arrivera-t-on à faire la jonction ?

Des événements extérieurs révèlent l’ampleur du mal

10. La moitié du parc nucléaire est arrêté à cause de problèmes de corrosion, découverts lors d’opérations de maintenance programmées. Apparemment il s’agit d’un problème de conception de certaines centrales et pas d’un défaut d’entretien, auquel l’ASN s’opposera toujours.

11. La guerre éclate en Ukraine aggravant pénuries et explosion des prix déjà élevés du gaz et du KWh

 12. Bilan : Ces évènements associés à l’indécision et à l’absence de stratégie des dirigeants, débouchent sur le désastre actuel : un parc sans marge, à la merci du premier aléa venu, qui ne marche qu’à moitié, qui fournit un KWh trop cher, en quantité trop faible, qu’il faut compléter par des achats ruineux, quand c’est possible. EDF très endettée, soumise à l’autorité de l’État, est sans vision stratégique claire concernant l’avenir de son parc vieillissant. Les présidents Hollande et Macron portent une responsabilité écrasante. F. Hollande, trop influençable, par ses choix irréalistes dépourvus de justification technique. E. Macron, par sa versatilité qui le fait passer, à une vitesse stupéfiante, de la croissance, à la fin de l’abondance (les Amish ?), et de la baisse du nucléaire (les 50%), à sa relance (fort tardive) avec 6 nouveaux EPR. Les choses ont bien changé en haut lieu depuis les années 70/80, à l’époque les dirigeants savaient ce qu’ils voulaient…

L’UE et la France soutiennent l’Ukraine et sanctionnent la Russie mais les choses ne se passent pas comme prévu, on craint pour notre économie

 13. L’UE, France incluse, prend des sanctions contre la Russie qui réagit en coupant plus ou moins complètement le gaz qui est déjà rare dans le monde

14. Le prix de l’électricité explose à cause du coût marginal de la dernière centrale appelée (à gaz), et du fonctionnement chaotique (fractal) des marchés. Les prix élevés du KWh se propagent depuis l’Allemagne comme un virus jusqu’en Espagne pourtant peu connectée au reste de l’Europe. Un confinement ne serait-il pas indiqué ? L’industrie de toute l’Europe souffre. Les particuliers ont besoin d’aide.

15. Le gouvernement réagit. Il augmente l’ARENH et bloque le tarif particulier qui n’est compensé qu’en partie. EDF perd 1 milliard d’Euros par mois. La ruine d’EDF se rapproche… L’État nationalise EDF à 100% (pour quoi faire, il en possède déjà plus de 80% ?)

16. EDF achète au prix fort, même en été, l’électricité que ses centrales en panne ne produisent pas, mais qu’elle doit quand même livrer à ses clients. Sa dette s’accroit.

17. L’Europe qui a misé sur le renouvelable intermittent et le gaz russe qui n’arrive plus, ne sait pas si elle pourra se chauffer cet hiver et faire fonctionner son industrie. La France ne va pas mieux, nucléaire en rade.

18. On ne sait toujours pas à quoi ressemblera le parc électrique français du futur ni quand et avec quel financement le construire. Le parc nucléaire actuel trop vieux aura été définitivement arrêté, il y aura des éoliennes intermittentes et des hectares de photovoltaïque qui ne produiront pas la nuit, l’EPR de Flamanville et les 6 autres annoncés auront peut-être été mis en service. Ça ne suffira pas, mais “on” sera sobre, surtout vous ! Le KWh sera cher et taxé car il n’y aura plus d’essence vu qu’il n’y aura plus de voitures à essence. Quant à l’industrie, en aurons-nous encore une ? En effet, le prix élevé de l’énergie est en train de tuer notre industrie, ou de la forcer à se délocaliser. L’État doit choisir à qui il donne la priorité d’accès à l’énergie, aux particuliers ou aux industriels. De fait, il a choisi, Duralex ferme cet hiver… d’autres industries suivent. Nous, particuliers et électeurs allons juste devoir baisser un peu notre thermostat. Gare à la casse…

19. De son côté la Russie ne manque pas de gaz, elle est gagnante sur les deux tableaux : elle en exporte moins, préservant ses réserves, mais profite d’un prix astronomique hors de toute proportion avec la baisse des quantités. La Russie fait, sur le dos de l’Europe qui prétend la punir, plus de profit qu’avant la guerre. Les marchés sont des systèmes complexes non linéaires (imprévisibles ?). Il faudra trouver d’autres sanctions sans effet boomerang. En attendant l’Europe doit accepter de payer très cher le gaz d’où qu’il vienne, et aussi le MWh dont le prix s’aligne sur celui du gaz, même en France.

20. L’Europe s’est suicidée déjà deux fois, en se lançant dans deux guerres mondiales. L’Europe est-elle en train de se suicider une troisième fois ?

 Daniel Beaucourt, septembre 2022

Un commentaire

  1. Gilles Mergy, conseiller municipal Gilles Mergy, conseiller municipal 14 septembre 2022

    cher monsieur
    Votre article comme les précédents repose sur des éléments d’analyse robustes et intéressants mais aussi sur des a priori contre les énergies renouvelables (en occultant notamment les possibilités de stockage de la production électrique assurée par les énergies renouvelables) et un soutien aux énergies fossiles en voie d’épuisement et contribuant en outre massivement au réchauffement climatique que vous n’évoquez même pas.
    sur le nucléaire, l’absence de stratégie et de vision claire des gouvernements successifs et les injonctions contradictoires aux dirigeants d’EDF pose en effet problème comme vous l’évoquez.
    Sur les sanctions vis à vis de la Russie suite à son agression d’un État souverain, votre analyse me pose un double problème :
    – d’une part si les Russes bénéficient d’un effet d’aubaine sur la vente du gaz suite aux sanctions avec la hausse vertigineuse des prix-, ils subissent les conséquences de ces sanctions sur leur industrie notamment de pointe et les sanctions sont efficaces contrairement à ce que vous indiquez;
    – d’autre part, vous semblez privilégier une approche « mercantile » par rapport au respect des principes d’intangibilité des frontières : les armées de Poutine ont attaqué un pays souverain et commencent d’ailleurs à s’en mordre les doigts. Nous devons soutenir résolument l’Ukraine en acceptant une certaine forme de sobriété énergétique car eux ils subissent les bombardements massifs de l’artillerie russe.
    Très cordialement à vous

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