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À propos de la politique de désherbage de la ville.

Monsieur Bresse vient de publier un article instructif sur la politique de désherbage que compte suivre la nouvelle municipalité. En tant que Maire adjoint chargé de l’environnement dans les mandatures précédentes, j’aurais plusieurs remarques à faire concernant cette politique tant pour ce qui est du passé que pour ce qui concerne l’avenir, plutôt sombre d’un point de vue écologique si la politique de la nouvelle municipalité ne s’infléchit pas.

1°) Tout d’abord concernant la politique que j’ai menée lorsque j’étais en responsabilité, je trouve que Monsieur Bresse exagère lorsqu’il écrit que dans la municipalité précédente, les herbes que nous laissions pousser autour des pieds d’arbres gênaient la circulation des piétons. Si cela avait été le cas, nous serions intervenus !!! Les obstacles sur les trottoirs dont se plaignaient les gens, c’étaient les voitures mal garées, jamais les plantes. Même si elles débordaient un peu sur le trottoir, ce n’était certes pas au point d’obstruer le passage ! Par exemple, pas de risque de se faire piquer par les orties Boulevard de la République pour se rendre au métro !

Quant à l’envahissement des jardins par les pissenlits, même si l’on avait éliminé tous ceux qui poussaient au pied des arbres, ce n’est pas pour autant qu’il n’y en ait eu moins qui se soient invités dans la pelouse de Monsieur Bresse ou du square Pompidou. D’ailleurs, ce n’était pas au pied des arbres qu’ils prospéraient le mieux, le pied des arbres n’étant pas leur habitat privilégié en ville, pas plus qu’il n’est celui de l’ortie ou du « chardon » ! Faut-il rappeler que le vent transporte sur de longues distances la semence de pissenlit admirablement bien conçue à cet effet.

Les orties se reproduisent surtout par leur rhizome et même s’il y en avait quelques-unes, elles ne risquaient pas de se multiplier inconsidérément. L’enrobé du trottoir y faisait sérieusement obstacle. Leur terrain de prédilection est plutôt certains endroits du coteau du Panorama! Autour des pieds d’arbres où elles avaient poussé, elles faisaient d’ailleurs merveille, servant de nourriture aux chenilles du magnifique Paon de jour et de répulsif pour les chiens dont les déjections nuisent aux arbres.

Pour ce qui est des « chardons » en fait des cirses, ils n’y en avaient que quelques-uns, et pour cause, ce n’est pas du tout leur habitat. Par contre ce qui aurait pu poser problème à la longue, c’était la colonisation de certains de ces pieds d’arbres par les vergerettes, pour l’essentiel des vergerettes du Canada qui sont des plantes « invasives » à distinguer des « envahissantes » des cultures.

En résumé, s’il est vrai de dire que « aucune herbe autour des arbres n’étaient arrachée ou coupée », il est faux d’affirmer que cela a été fait « quitte à gêner la circulation des piétons et surtout envahir les jardins (par les pissenlits et autres chardons). »

2°) Même si cela me donne raison et confirme mes prévisions, je suis navré que dans sa lutte sans merci contre les herbes folles, Monsieur Chambon ne puisse pas faire autrement que de recourir à des désherbants chimiques de synthèse, c’est-à-dire, pour parler clair, du glyphosate. Ce qu’il avoue à Monsieur Bresse.

Ce n’est pas sans débat interne que nous avions décidé de ne pas désherber le pied des arbres. Discutable écologiquement, le traitement à la vapeur d’eau s’était révélé difficile à appliquer pour les pieds d’arbres. Cela prenait un temps fou et aurait coûté une fortune, beaucoup d’eau et d’énergie. De même si l’essence de Pélargonium (le géranium de nos balcons et fenêtre) est efficace, elle coute très cher par rapport au glyphosate même si celui-ci n’est pas donné. Il a donc été entendu qu’il était stupide de dépenser de l’argent pour détruire ces herbes, ce qui de plus constituait une erreur écologique.

En effet, comme on ne cesse de le répéter pour assurer leur pérennité, les plantes sauvages doivent pouvoir se déplacer en ville, ceci grâce à la circulation de leurs graines et de leur pollen. C’est pourquoi les pieds des arbres d’alignement, entre autres habitats sont des relais indispensables pour assurer la continuité entre les populations de plantes sauvages des squares et des jardins. Le problème est que, si je le comprends bien, monsieur Bresse ne veut pas de ces plantes en ville. Et si j’en juge par leur action et leurs déclarations, Monsieur Chambon la nouvelle équipe municipale non plus ! La préservation de la biodiversité de la nature ordinaire des villes n’est pas pour eux un sujet de préoccupation. Ils s’en passeraient volontiers. Ils rêvent d’une ville sans la moindre herbe folle ou petite fleurs sauvage. Pour moi, ce serait un cauchemar !

3°) Cette éradication de l’espace public de ce que Monsieur Chambon et la nouvelle municipalité appellent « les mauvaises herbes » se poursuit donc au mépris des risques sanitaires avérés pour le personnel comme pour le public tant que le glyphosate sera autorisé légalement, jusqu’en 2017 donc. Sur les dangers du glyphosate l’article de Monsieur Bresse est clair et net. Quand je pense que Michel Faye trouvait des dangers dans l’utilisation de l’essence de pélargonium lorsqu’il était dans l’opposition! Que ne devrait-t-il dire, lui qui a la charge de l’environnement, d’une utilisation aussi stupide du glyphosate ! Mais bien sûr, il ne souffle mot.

4°) « Si ce nouveau timing (2017 pour l’interdiction du glyphosate) est adopté définitivement, cela laisse peu de temps à la commune pour réorganiser ses services et former les agents à de nouvelles méthodes de travail et de nouvelles techniques, comme le désherbage thermique par exemple » semble déplorer Monsieur Bresse. Mais s’il n’y avait eu cette régression phénoménale dans la gestion des espaces publics, Fontenay n’aurait eu besoin d’aucun délai ! Nous étions déjà à un zéro phyto effectif même pour le cimetière et la voirie.

5°) Les solutions de remplacement à l’usage du glyphosate qu’envisage Monsieur Chambon montrent à quel point sans cette molécule l’éradication des herbes sauvages en ville est mission impossible.

Monsieur Chambon semble pourtant prêt à y mettre le prix ! Les résines perméables autour des arbres par exemple coûtent très cher. Nous y avions eu recours ponctuellement Place de Gaulle, mais une généralisation de leur utilisation ferait exploser les budgets et je doute qu’elle soit praticable aujourd’hui. Même remarque pour les joints de caniveaux. Dans tous les cas, il s’agit d’accentuer encore l’artificialisation des sols et de rendre la ville le plus imperméable possible à la nature. C’est écologiquement absurde et c’est vain. Ces prétendues solutions sont illusoires : inefficaces ou inapplicables. Impossible de colmater la moindre fissure d’un mur d’où sortira peut-être une magnifique petite cymbalaire. Les véroniques, séneçons, pâquerettes, liserons, galinsogas et autres mourrons, morelles, vergerettes, pissenlits ou coquelicots auront raison des efforts stupides pour les éradiquer dès lors que l’arme absolue, le glyphosate sera interdite. Les contrôler lorsqu’elles font preuve d’un peu trop de sans gêne, certes ! Cela est tout à fait possible, sans dépenser des fortunes et sans glyphosate. Nous en avions fait la preuve…

Pour poursuivre dans cette voie, la seule ayant un avenir, il aurait fallu entreprendre des actions pour faire évoluer le regard des gens sur ces plantes. Participer à des opérations type « Laissons pousser », impliquer les écoles, les associations de quartier et de défense de l’environnement et les particuliers curieux des choses de la Nature dans les programmes de science participative du Muséum comme « Sauvage de ma rue » comme cela se pratique maintenant un peu partout en France (voir Photo).

6°) Plutôt que de téléphoner à la Mairie pour demander un désherbage, achetez le livre co-publié par le Muséum national d’histoire naturelle « Sauvage de ma rue », il est bien illustré, facile à utiliser, ne coûte que 10€ et profitez-en pour apprendre à connaître avec son aide les plantes qui poussent dans votre rue d’abord dans la ville ensuite. Vous comprendrez alors l’absurdité de la politique de désherbage menée par Monsieur Chambon.

Jean François Dumas, ex-Maire adjoint aux Espaces Verts et à l’environnement 

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