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Un immeuble bientôt en face du Château Laboissière : lettre ouverte à l’Architecte des Bâtiments de France

Dans une lettre ouverte adressée à  l’Architecte des Bâtiments de France, Francis Rondelez  et Laurent Ribadeau Dumas s’inquiètent  de l’autorisation accordée pour la construction d’un immeuble, ruelle de la Demi-Lune, à quelques mètres du château Laboissière.

La lecture du permis de construire modificatif accordé au promoteur ADIM-VINCI le 22 janvier 2024 montre que les recommandations de l’Architecte des Bâtiments de France ne sont pas respectées et que le bon état de conservation des abords actuels de ce monument historique n’est pas garanti.

C’est donc un élément essentiel du patrimoine historique de Fontenay qui va se trouver dégradé de façon irréversible.

Laurent Ribadeau Dumas                           Fontenay-aux-Roses, le 28 mars 2024

Francis Rondelez

Mme Ana-Cristina Nitescu

Architecte des Bâtiments de France

Sud des Hauts-de-Seine 45-47 rue Le Pelletier 75009 Paris

Objet : permis de construire 0322200016-1 ; 4 bis à 8 place du Général de Gaulle 92260 FONTENAY AUX ROSES

Madame l’Architecte des Bâtiments de France,

Nous sommes étonnés de votre décision de ne pas vous opposer au permis de construire modificatif accordé par la mairie au promoteur ADIM-VINCI pour un immeuble qui sera implanté le long de la ruelle de la Demi-Lune à Fontenay-aux-Roses.

Dans un premier temps, vous aviez donné votre « accord assorti de prescriptions », notamment celle-ci : « des arbres à haute tige doivent être plantés sur toute la longueur de la limite parcellaire (côté ruelle de la Demi-Lune) pour créer un écran végétal visible depuis le monument historique ».

Cette décision était motivée par le fait, tout à fait logique à nos yeux, que l’immeuble prévu (19,50 m de haut et 28 m de long) jouxterait le château La Boissière et aurait une vue directe sur la cour du château Laboissière (XVIIe siècle).

Selon nous, le permis de construire modificatif (PCM) ne remplit toujours pas les conditions demandées. En effet, le constructeur (ADIM-VINCI) propose un « écran végétal » constitué de « huit arbres fastigiés, charmes commun (carpinus betulus) ». Il est dit explicitement dans le PCM (paragraphe p 27 intitulé « Palette végétale zone Nord ») que ces arbres atteindront tout au plus une taille maximale de 8 à 10 m de haut.

Ce sera donc totalement insuffisant pour cacher un immeuble d’une hauteur annoncée de 19.50 m ! Le PCM oublie aussi de mentionner que la croissance de ces arbres est lente et qu’il leur faudra une décennie pour atteindre leur taille maximale. Si l’on ajoute qu’ils seront plantés dans un espace insuffisamment large (3,50 m) qui ne leur permettra pas de se développer normalement, on voit que la solution proposée par ADIM-VINCI est inadéquate.

Et l’on en revient à votre constat initial : « ce projet, en l’état, est de nature à porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur du ou des monuments historiques ou des abords ».

Dans ce contexte, nous nous demandons pourquoi une telle construction a finalement fait l’objet d’un avis favorable de votre part alors qu’elle va noyer complètement le château Laboissière dans son environnement et masquer son cône de vue. Les montages photographiques accompagnant le PCM sont d’ailleurs bien révélateurs à ce sujet, même s’ils cherchent à masquer la réalité en n’hésitant pas à créer artificiellement beaucoup de feuillage.

Pour toute modification d’un logement dans le périmètre d’un bâtiment historique, tout citoyen est tenu, de par la loi, de demander l’avis de l’architecte des Bâtiments de France. Celui-ci peut parfois se montrer très rigoureux. Une telle rigueur a-t-elle été appliquée pour le monument emblématique qu’est le château Laboissière ? Une rigueur d’autant plus nécessaire qu’à nos yeux, ce projet immobilier va entraîner une dégradation irréversible du patrimoine francilien.

Vous semblez d’ailleurs partager notre opinion puisque dans un article, paru en août 2023 sur le site de l’Association nationale des architectes des Bâtiments de France, vous expliquez que « l’accord de l’architecte des Bâtiments de France » est « un outil précieux participant de la qualité des espaces protégés ».

Certains ne manqueront pas de voir (à tort ?) dans cette situation deux poids-deux mesures. Et l’illustration des derniers vers de la fameuse fable de La Fontaine, « Les Animaux malades de la peste » : « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ».

Nous espérons que nos remarques vous amèneront à regarder à nouveau le dossier et à reconsidérer votre décision.

Nous vous prions d’agréer, Madame l’Architecte des Bâtiments de France, nos respectueuses salutations.

Laurent Ribadeau Dumas                                                                 Francis Rondelez

 

3 Commentaires

  1. Bernard Welter Bernard Welter 5 avril 2024

    J’adhère totalement à votre démarche auprès de l’Architecte des Bâtiments de France du département du Sud Hauts de seine afin de la sensibiliser sur l’impact de la hauteur et de l’implantation de ce bâtiment dessiné sans prendre en considération la pente naturelle du terrain situé en vis-à-vis avec le château La Boissière, de l’autre côté de la sente de la demi-lune.
    Je me permets de vous suggérer d’entreprendre la même démarche auprès du CAUE 92 (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement) afin de lui demander de donner son avis sur ce projet que je considère totalement inadapté à son environnement.
    Pour votre information, le directeur du CAUE 92 a fait parti des membres du jury du concours d’architecture lancé sous la mandature de Pascal Buchet afin de transformer le château La Boissière en Maison de la Musique et de la Danse. Il a voté, comme tous les autres membres du jury, en faveur du projet de Pierre-Louis FALOCI, projet qui s’est concrétisé par la réalisation que nous apprécions aujourd’hui.
    Mon confrère FALOCI , grand prix national de l’architecture en 2018, sera profondément attristé d’apprendre, si ce n’est déjà fait, que la présence de ce bâtiment d’habitation va étouffer la sente de la demi -lune et le château La Boissière. La majorité des fenêtres des appartements orientées plein Nord vont plonger dans la cour du château, alors qu’il a très habilement réaménager cette cour afin de préserver les vues et particulièrement la vue lointaine vers l’église saint Pierre-saint Paul demandée dans le programme du concours.

  2. Michel MARGOTIN Michel MARGOTIN 3 avril 2024

    Bonjour Monsieur
    Votre lettre ouverte publiée par le site des Nouvelles de Fontenay sera, je l’espère, de nature à faire évoluer le dossier.

    En 2005, nous avons effectué des travaux de ravalement des façades et pignons du 50-54 rue Boucicaut, ainsi que le remplacement de la toiture (dans la cadre d’un contentieux).
    Un type d’ardoise spécifique nous a été imposé, pour tenir compte de la proximité d’un monument historique : le Château Laboissière. !
    Vous trouverez en pèces jointes des extraits des documents produits, dans le cadre du marché de travaux
    • Un extrait du CCAP mentionnant les contraintes à observer : monument historique et secteur sauvegardé
    • Un extrait du CCTP mentionnant le type d’ardoise imposé
    • Un document relatif à la commission régionale du patrimoine et de l’architecture, qui pourrait peut-être, être sollicitée.
    Pourquoi nous avoir imposé ces contraintes et laisser construire aujourd’hui un tel bâtiment à proximité immédiate du château ?
    Lors de la réalisation des travaux, j’étais président du conseil syndical. Le maître d’œuvre était le cabinet d’architecture Atelier 11
    Bien cordialement. Michel Margotin

    PS je tiens à la disposition de ceux qui le souhaitent, les pièces jointes citées ci-dessus

  3. Daniel Marteau Daniel Marteau 2 avril 2024

    Merci à Francis Rondelez et Laurent Ribadeau Dumas des termes de cette lettre qui précise bien à Mme l’architecte des bâtiments de France pourquoi de très nombreux Fontenaisiens ne comprennent absolument pas l’accord donné sur le permis modificatif. Souhaitons que Mme l’architecte des bâtiments de France réagisse vite à cet argumentaire précis avant que l’irréparable ne soit commis et que nous connaissions un deuxième chantier sans fin au cœur de ville comme avec le «  trou Osica »qui est. dans cer état depuis 9 ans.

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