Monsieur Candide : Vous qui êtes ancien officier de la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris, BSPP, quelle est votre perception concernant la sécurité-incendie à Fontenay ?
Votre question me rajeunit mais les principes de base restent toujours les mêmes.
La Ville de Fontenay présente des problèmes spécifiques en matière de lutte contre l’incendie :
- Forte déclivité de plus de 100 mètres entre le Panorama et les Blagis.
- Très nombreuses rues étroites et en pente avec des possibilités de délestage ou contournement … limitées.
- Nombreuses rues connaissant des angles-droits rendant le cheminement des véhicules de pompiers problématique, particulièrement du véhicule « grande échelle » (ici, angle droit de la rue Léon Blum ; problème du rayon de braquage des véhicules).
Monsieur Candide ; OUI mais les pompiers connaissent parfaitement la Ville et les risques dans leur cheminement pour arriver.
Oui mais pas toujours ! En cas d’appel pour incendie, le centre de Secours (CS) le plus proche enverra normalement, son « départ feu », c’est-à-dire trois véhicules, un Premiers-Secours (PS), un fourgon-pompe (FP) et une échelle mécanique de 30 mètres (EM) pouvant atteindre environ 8-9 étages (si positionnement à proximité du bâtiment concerné). Les pompiers connaissent parfaitement le terrain …. Sauf que, si le Centre-de-Secours concerné a déjà envoyé ses propres moyens sur un premier feu autre …, le détachement appelé à intervenir viendra d’une autre caserne plus éloignée dont l’officier et les sous-officiers connaîtront moins le terrain de Fontenay. Les difficultés dans les conditions d’accès spécifiques à Fontenay compliqueront alors encore plus l’intervention.
Monsieur Candide : Les deux derniers incendies connus dans la Ville récemment sont-ils significatifs des caractéristiques topographiques et de l’urbanisme de la Ville ?
Regardons dans le détail chaque feu.
Incendie rue Boucicaut, sur le Mail :
Cet incendie s’est terminé sans perte humaine, ni décès, ni blessés ; il s’agissait d’un feu intéressant un magasin, au niveau du sol et en terrasse, sans habitants résidents.
Problème de l’accessibilité :
La rue Boucicaut est étroite, un seul sens, une seule voie, un seul accès.
Normalement, le premier véhicule pompier qui arrive, le Premier-Secours (PS) aussi appelé Véhicule de Première Intervention (VPI), va se positionner quelques mètres après l’incendie et va attaquer le feu en moins d’une minute sur la base d’une lance alimentée par la propre réserve d’eau du PS de 400-500 litres (pas d’alimentation sur canalisation d’eau nécessaire pendant un certain laps de temps. Alimentation sur réseau d’eau a posteriori si nécessaire. Un véhicule en intervention et, a fortiori, en alimentation sur réseau d’eau ne peut pas être déplacé.
Le PS se positionne généralement quelques mètres après l’incendie de manière à laisser la place devant le lieu du sinistre à l’échelle. Le positionnement à proximité d’une bouche d’incendie peut éventuellement être envisagé surtout s’il ne demande aucune perte de temps.
En rue étroite comme la rue Boucicaut à Fontenay, le stationnement du PS ou des premiers véhicules arrivés risquent de bloquer instantanément la circulation des voitures « civiles » venant du carrefour Boucicaut/Dolivet (pharmacie) …
La conséquence de cet embouteillage éventuel pourrait être que le fourgon-pompe (FP) et surtout l’échelle mécanique (EM) ne soient bloqués par les voitures elles-mêmes également bloquées par les premiers engins de pompiers (a priori PS) ….
On voit, sur la photo, le soin pris par les pompiers à laisser libre la seule voie d’accès à l’incendie : hypothèse du besoin d’une deuxième échelle, d’une ambulance ou de tout autre engin.
Pompiers et Police ont, ici, su écarter les véhicules autres que ceux des pompiers.
Si le fourgon est bloqué (hypothèse à écarter dans notre cas), l’officier a toujours comme solution dégradée d’envoyer ses deux équipes avec les deux dévideurs de tuyaux (sur roues), à pied, via les trottoirs. Les sapeurs brancheront alors directement leurs tuyaux sur les bouches d’incendie à proximité sans passage par la pompe du fourgon-pompe resté éloigné ; la pression sur canalisation d’eau à Fontenay permettra d’obtenir une pression en eau acceptable dans les tuyaux (sauf si feu en étage élevé, perte de 1kg de pression tous les 10 mètres de hauteur). L’officier dans le fourgon n’ayant pas encore connaissance de l’état exact du sinistre (en étage ?) hésitera cependant à envoyer ses dévideurs sans le fourgon.
Point important : Notons que la pompe présente sur un véhicule de pompiers (Premiers-secours, fourgons, …) permet d’augmenter la pression mais pas le débit. Le débit est fonction des données techniques des canalisations d’eau locales … En région parisienne, l’accès aux bouches d’incendie n’est généralement pas un problème. Le débit peut être un problème (impasses, …).
A Fontenay, l’accessibilité des véhicules à des lieux sur rue étroite pose d’autant problème que les rues parallèles qui permettraient un deuxième accès (ici : rue des Pierrelais, rue Jean Jaurès) sont trop éloignées. De plus, le positionnement du fourgon rue Jean-Jaurès, en contrebas du feu, poserait plusieurs problèmes : écart de niveau, longueur des tuyaux à installer pour accès sur la dalle-terrasse et perte de pression d’au moins 2kg due aux 20 mètres de dénivelé.
Manoeuvre de la grande-échelle :
Il est à noter sur cette photo que les mouvements latéraux de la grande échelle peuvent être gênés par les arbres sur trottoir.
Problème de la dalle :
Le mail-Boucicaut est construit sur dalle avec parkings en sous-sol ce qui fait que les engins des pompiers ne peuvent pas y avoir accès (problème de poids) ; d’où intervention par échelle manuelle sur les bâtiments éloignés de la rue (bas de la photo).
Il conviendrait que cet incendie fasse l’objet d’analyse des problèmes rencontrés : accès, …. Quid si l’incendie avait été plus important ?
Monsieur Candide : nous avons vu le PS, Premiers-Secours ; parlez-nous des deux autres véhicules qui sont intervenus pour le feu rue Boucicaut ?
Le fourgon-pompe et l’échelle : nous pouvons imaginer qu’ils sont du type de ceux présentés ici :
En Région Parisienne, le fourgon-pompe n’est (généralement) pas équipé d’une citerne à eau incorporée comme le Premiers-Secours car la densité de bouches à incendie est telle que l’alimentation en eau de l’engin en intervention ne présente pas un problème. Sauf exceptions dues à des spécificités locales, seul le Premiers-Secours a une réserve d’eau embarquée.
L’échelle est (généralement) équipée d’une nacelle qui permet de descendre les gens à mettre en sécurité et les protections latérales créent une petite pluie qui refroidit l’atmosphère et protège les pompiers en charge des lances en dissolvant les fumées chaudes issues des foyers.
Nous verrons la suite des incendies à Fontenay, dont celui de Scarron plus problématique, dans un deuxième article.
Jean-Michel Durand
Ancien officier des Sapeurs-Pompiers de Paris.
Maire-adjoint aux Finances et Logements-Sociaux 2014-2020
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