Comment imaginer sa ville en 2040 ? A 600 jours des élections municipales, une quarantaine de citoyens s’était réunie pour exprimer leur vision d’avenir. La soirée s’est terminée sur un « Pacte pour la transition de Fontenay-aux-Roses ». A quoi ressemble-t-il ?
Quatre associations sont à l’origine de la soirée citoyenne : FARàvélo, CIVIFAR, FARENTS et APIE. Leur premier objectif était de créer du lien. Objectif atteint dès l’ouverture de l’évènement : le bar du Colibri, le lieu du débat, a permis au citoyens de faire connaissance. Le deuxième objectif était d’ouvrir l’imagination à l’aide de quatre experts dans des domaines très divers, qui ont éclairé le public sur les enjeux.
« Recréer le collectif et la confiance »
Xavier Cazard, le fondateur de la Maison de la Conversation à Paris, fait d’abord un constat sur l’état problématique de la démocratie et du dialogue. Les écrans ont remplacé les vraies rencontres, qui deviennent de plus en plus rares. En plus, les écrans enferment les internautes dans leur bulle de personnes du même avis, ce qui polarise la société. Une vraie démocratie, explique Cazard, « ne peut exister sans confrontation régulière à la diversité, ce qui est l’objectif de la maison de la conversation ». Grâce à une programmation très variée et gratuite elle parvient à réunir toutes les générations et classes de la société, et fait émerger des idées qui dynamisent le quartier.
Un exemple est « la rue de la conversation », où les riverains aménagent une rue avec du mobilier multi-fonctionnel selon leurs besoins du moment. Ces rencontres facilitent la sérendipité, c’est-à-dire les découvertes et connections heureuses « par hasard ». Comme les nombreux contacts inattendus qui se sont noués pendant la soirée, et aussi l’article sur le pouvoir de la conversation qui avait mis Xavier Cazard en contact avec l’organisateur de la soirée : ici. Cazard évoque aussi la souffrance dans le monde du travail, « où les réunions sont souvent faites pour ne pas impliquer les gens et pour ne pas se parler ». La Maison de la conversation propose des outils et des techniques pour sortir de cette impasse et pour redonner du sens au travail. Les entreprises peuvent faire appel à la Maison de la conversation pour en bénéficier sur site.
Belle sélection de livres sur la transition écologique sur le stand de la librairie Les pêcheurs d’étoiles.
« Eclairer et construire des solutions ensemble »
Irène Korsakissok, chercheuse en physique de l’atmosphère à l’IRSN et présidente de l’APIE, part du constat que la qualité de l’air et le climat son sérieusement menacés par l’activité humaine. Il faut réduire nos émissions si nous voulons préserver une planète habitable, sachant que la pollution de l’air tue 48.000 Français par an. Plusieurs facteurs rendent le changement difficile. D’abord le fait que les conséquences de nos émissions ne sont pas visibles tout de suite. Une autre difficulté est le manque de formation. Le public dans la salle était visiblement bien informé (une majorité avait déjà fait la fresque du climat) mais la plupart des citoyens n’a pas la même conscience de leur impact sur le climat. Pour donner envie d’agir, dit Korsakissok, « il faut éclairer le public et partager les informations. Ne pas travailler chacun dans son coin. »
« Ne pas sous-estimer les petites actions locales »
Cédissia About est urbaniste et architecte-voyer en chef à Paris, où elle travaille entre autres sur le développement d’expertise sur la transition écologique du territoire. Elle évoque les conséquences de l’excès de motorisation et le manque de nature dans les quartiers, qui créent un mal-être. Pour réussir une transition, il est essentiel d’impliquer les habitants dans les projets le plus en amont possible. Elle évoque un éco-quartier où de beaux locaux de poubelles devaient faciliter le tri des déchets. Finalement l’aménagement n’a pas fonctionné à l’usage, faute d’avoir impliqué les habitants.
Pour impliquer les habitants dans une démarche de transition, About a créé l’antenne MDB Villejuif. L’objectif est de promouvoir le vélo pour créer une ambiance plus apaisée et conviviale dans les rues de Villejuif. Comme Korsakissok elle mentionne l’importance de la formation des habitants, qui doit être renouvelée régulièrement. En particulier lorsqu’il s’agit de co-construire des projets de rue, où il est difficile d’avoir un avis sans être formé au préalable. On risque de partir sur des préjugés qui sont contreproductifs, comme l’idée que le vélo est dangereux et qu’il ne faut pas en faciliter l’usage. Créer de l’impact ne passe pas forcément par des « grands coups » dit-elle. « Il ne faut pas sous-estimer la force de petites actions locales, qui peuvent déclencher une envie d’agir par la force du collectif et par le plaisir de se retrouver ».
La salle reconfigurée en cercle pour permettre un format de discussion plus inclusif et convivial.
« On peut réaliser de très grands gestes en tant que citoyens »
François-Xavier Monaco est fondateur de la société Vizea à Malakoff, qui conçoit la ville durable. D’entrée de jeu il met les pieds dans le plat avec son témoignage du professionnel de la transition : « c’est hyper dur ». Pour comprendre la résistance au changement, il a été beaucoup inspiré par le livre « Le bug humain ». Le livre explique que notre cerveau est tout simplement pas équipé pour comprendre la nécessité de nous mettre en question et de faire autrement. « Tant qu’il n’y a pas de lion qui surgisse dans la pièce pour nous menacer, nous aurons plutôt tendance à continuer comme avant ». Heureusement la demande de qualité environnementale est croissante, ce qui incite les villes à s’apaiser et à mettre plus de nature dans la ville. Mais cela prend du temps, surtout dans une ville comme Fontenay-aux-Roses qui évolue relativement peu. La densité de la ville ne facilite pas non plus la transition, faute de place abondante pour renaturer l’espace. « Il faut donc se rendre à l’évidence et protéger chaque mètre carré de nature et en mettre partout où l’on peut ».
Monaco évoque aussi son expérience associative en tant que co-dessinateur du réseau VIF, imaginé par les citoyens du Collectif Vélo Île-de-France. Avec des responsables associatifs il est allé proposer le projet directement à Valérie Pécresse, qui l’a accepté et le finance à hauteur de 300 millions d’euros. « On peut donc créer de très grands changements en tant que citoyens, à condition d’imaginer un bon projet et de bien s’organiser ». Il faut être volontaire, ajoute-t-il : « des gestes à fort impact demandent énormément d’énergie. Il y a énormément de travail derrière ».
François-Xavier Monaco, PDG de Vizea (à gauche) et Xavier Cazard, fondateur de la Maison de la conversation.
Bousculade !
Tout à coup un participant interrompt l’échange entre le modérateur et les intervenants, pour réclamer l’ouverture de la discussion avec la salle sans délai. S’en suit une joyeuse bousculade improvisée, pour mettre les chaises en cercle avec les invités au milieu. C’est une mise en pratique directe d’une observation de Xavier Cazard, qui avait déjà qualifié la configuration de la salle trop « top down ». « Je ne l’aurais pas fait comme ça, car l’intelligence collective n’est pas compatible avec une culture descendante ». L’effet est immédiat : la discussion part sur les chapeaux de roue.
Rapidement, les idées passent la revue, comme une vélo-école ou des réunions sur le harcèlement à l’école. Les spécialistes locaux du climat dans la salle – qui se rencontrés grâce à l’évènement – proposent un travail collectif sur le sujet. Pour se rafraîchir en été, il est proposé de mouiller les rues avec de l’eau utilisée, comme autrefois à Nice. Ou encore des grands oraux publics pour échanger avec les candidats aux élections, et ainsi de suite.
« Une discussion sur comment avoir une discussion »
L’enjeu central de la soirée évoqué par tous n’est finalement pas un sujet technique mais un besoin humain : celui de se retrouver ensemble pour avoir un dialogue qui fonctionne. Le défi le plus urgent n’est pas celui des émissions, de la mobilité, les bâtiments ou les îlots de chaleur, mais la possibilité d’avoir une discussion efficace sur le sujet qui permette d’agir en élaborant des solutions concrètes. La discussion est devenue une « discussion sur comment avoir une discussion ».
Plusieurs options sont évoquées. Le Fontenaisien Gregory Isabelli développe la plate-forme Baztille pour permettre aux citoyens d’échanger régulièrement autour sur quelques questions concrètes et même « de reprendre en main la démocratie ». Jean-Marie Gasselin de l’association FARENTS propose de créer un dialogue en s’appuyant sur les Conseils de parents d’élève et des comptes-rendus, qui contiennent une mine d’informations sur la vie de la commune. Autre idée : un conseil citoyen avec des Fontenaisiens tirés au sort, sur l’exemple de la Convention Citoyenne pour le climat. Un participant, visiblement très motivé, demande déjà la date de la prochaine réunion « car mon agenda se remplit vite ». Comment se retrouver déjà ? Et qui organise quoi ?
Odile Jersyk de FARàVélo a capté les fruits de la soirée en un Pacte pour la Transition de Fontenay-aux-Roses.
Les citoyens se quittent avec la promesse de se retrouver pour développer et promouvoir l’idée d’un pacte pour la transition de Fontenay-aux-Roses. Pour ce compte-rendu – le présent article – publié sur le blog Les Nouvelles de Fontenay animé par l’association CIVIFAR, il est possible de réagir de manière publique au texte. N’hésitez pas à proposer une manière de poursuivre le dialogue en tant que citoyens. Vous pouvez aussi écrire à faravelo@outlook.fr si vous voulez contribuer à faire vivre ce débat.
Le pacte pour la transition de Fontenay-aux-Roses (1 sur 3).
Le pacte pour la transition de Fontenay-aux-Roses (2 sur 3).
Le pacte pour la transition de Fontenay-aux-Roses (3 sur 3).
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