Monsieur Candide : Pouvez-vous nous résumer les procédures concernant les logements sociaux :
L’une des caractéristiques du logement social, c’est qu’un locataire ne peut pas directement signer un bail avec un organisme bailleur pour un logement de son choix. Pour obtenir un logement social, il doit d’abord en faire la demande en répondant à des critères, le plus important d’entre eux étant de ne pas dépasser un plafond de ressources fixé chaque année selon les régions, en fonction de la composition du ménage et de la catégorie de logement demandée.
Curieusement, les textes prévoient des plafonds relativement élevés puisque 60 % de la population y est éligible mais la pratique limite l’attribution aux gens ayant le moins de revenus.
Dans la pratique, il existe également un revenu minimum nécessaire car le loyer ne doit pas dépasser, de fait, 30% des revenus du locataire retenu et l’expérience montre que le taux d’impayés varie, très fortement, proportionnellement à ce taux (très vite, une affectation avec 32 ou 33% des revenus au paiement du loyer représente un niveau problématique et est avant-coureur de problèmes).
Pour les dossiers difficiles, à la limite de l’acceptation, le « reste à vivre » (revenus après paiement du loyer) sera analysé et permettra de mesurer au mieux la capacité des candidats-locataires à pouvoir payer le loyer de l’appartement envisagé tout en continuant à vivre.
La demande s’enregistrera sur un fichier central commun à tous les bailleurs.
Les catégories de logements sociaux :
Il existe trois types de logements sociaux connaissant, respectivement, trois niveaux de plafonds de revenu progressifs qui correspondent à trois niveaux de loyers. Plus le loyer est élevé, plus les plafonds de ressources des ménages doivent l’être.
- Le PLAI (Prêt Locatif Aidé d’Intégration) réservé aux personnes en situation de grande précarité qui cumulent des difficultés sociales et économiques. Les loyers sont compris entre 4,56 €/m2 et 5,97 €/m2 selon les régions ;
- Le PLUS (Prêt Locatif à Usage Social) correspond aux HLM traditionnelles avec des loyers compris entre 5,14 €/m2 et 6,70 €/m2 selon les zones. Plus de 80 % des logements sociaux sont régis par ce plafond de loyer et de ressources ;
- Le PLS (prêt locatif social) finance des logements situés en priorité dans les zones dont le marché immobilier est le plus tendu.
Les appartements de ces diverses catégories ne varient pas techniquement d’une catégorie à l’autre et se mélangent au sein d’une même résidence.
Le financement :
Selon le financement d’un immeuble, l’affectation à telle ou telle catégorie de locataires demandeurs variera.
Le financement peut être apporté par différents acteurs en fonction de ces objectifs dont :
- L’État (essentiellement via des aides fiscales) ;
- Les collectivités territoriales (région, département, agglomération, commune…) ;
- La Caisse des dépôts et consignations : c’est elle qui octroie les prêts à très long terme en s’adossant sur les dépôts de l’épargne populaire comme le livret A. Les prêts sur 30 ou 70 ans constituent près de 75 % du financement ;
- Action logement (le 1% logement versé par les employeurs) ;
- Le bailleur lui-même sur ses fonds propres.
En fonction des financements ainsi apportés, les financeurs appelés « réservataires » disposent de quotas d’appartements réservés, pour lesquels ils proposent les candidats locataires sur des listes définies par eux à partir du fichier commun des demandeurs. Le % de financement de chaque réservataire s’applique en même % au flux des affectations.
L’État dispose (en général) de 30 % du flux annuel, chiffre que l’on pourrait majorer des quotas relevant d’organismes rattachés à l’Etat lui-même.
L’attribution :
L’attribution d’un logement à un demandeur s’effectue au sein d’une Commission d’Attribution de Logement (la CAL) composée de représentants du bailleur, d’un représentant des locataires, d’un représentant de la mairie et d’un représentant de l’Etat ; lorsqu’un appartement devient disponible à la location, la CAL examine obligatoirement trois dossiers de candidats proposés par le réservataire concerné, pour des demandeurs de logements répondant aux critères dudit logement (en m², ressources, …).
La CAL ne retient évidemment qu’un seul candidat qui peut refuser l’appartement. Le refus d’un logement a des conséquences. Il n’est pas possible de dire combien de fois un demandeur peut refuser un logement HLM mais refuser une proposition plusieurs fois peut conduire le « demandeur » à être, ensuite, moins prioritaire durant quelques mois … (en clair : « blacklisté »).
Liens réservataires / demandeurs :
Dans les faits, un réservataire fait attribuer les appartements de son propre contingent par les CAL selon les règles d’affectation en vigueur mais en partant d’une liste des trois candidats qu’il a lui-même retenus sur la liste régionale des demandeurs.
Cette prépondérance du bailleur réservataire ne constitue absolument pas un « passe-droit » mais, à dossiers comparables, une liaison forte du candidat-locataire avec un bailleur aidera fortement ; on se rappellera que Fontenay ne dispose pas d’un office HLM et n’est donc jamais bailleur ! .
Priorité au DALO
Le DALO, ou Droit Au Logement Opposable, loi du 5 mars 2007, permet aux demandeurs de logements qui n’ont pas reçu de proposition adaptée à leur demande à l’issue d’un délai anormalement long ou qui se trouvent dans une des situations particulièrement problématiques, de déposer un recours auprès d’une commission de médiation afin d’être relogés. Eventuellement reconnus par ladite commission, ces demandeurs deviennent alors candidats prioritaires dits « DALO ».
L’efficacité du DALO pour obtenir réellement un logement dépend fortement de la maîtrise de l’État sur son propre contingent de logements et sur son action sur les autres réservataires.
Le préfet dispose d’un droit de réservation de 30% du total des logements de chaque programme HLM (dont 5% au profit de ses agents civils et militaires et 25% autres). En Île-de-France, 70% environ des attributions au titre du contingent préfectoral bénéficient aux ménages DALO.
Les autres réservataires (70% du parc) doivent affecter 25% de leurs appartements à des DALO.
En synthèse sur les affectations, les candidats DALO représentent ainsi :
- 70% de la part des 25% des attributions de l’Etat (soit 17% des attributions totales),
- 0% dans les 5% attribués aux fonctionnaires en poste et militaires,
- 25% des 70% restant aux autres réservataires, soit 17.5% du parc total, avant pressions diverses ….
Au total, l’attribution à des demandeurs DALO représente ainsi un minimum de 35% du total (17% + 17.5%) voire plus.
Monsieur Candide : avantages-inconvénients de cette approche ?
Cette approche présente l’avantage certain d’aider des populations en difficulté mais
- Crée une paupérisation des résidences sociales et
- Conduit les candidats de la « classe moyenne » à connaître une probabilité très faible d’être retenus.
Le rédacteur de la présente note a une idée positive des règles d’attribution et des personnes (fonctionnaires, …) qui gèrent ces problèmes. L’inconvénient majeur de ces règles est, cependant, que ce système d’attribution ne prend pas en compte la sociologie existante dans l’immeuble de l’appartement vacant et, au fil du temps, le système concentre des populations homogènes et défavorisées dans des mêmes résidences, avec exclusion des populations « moyennes » qui pourraient diversifier, servir de liens entre les différentes strates sociales des villes et favoriser l’assimilation-intégration.
Il faut absolument maintenir l’interdiction des statistiques ethniques en France mais il conviendrait de prendre en considération tous les aspects sociaux : c ’est dans cette approche qu’il est opportun de défendre fortement la construction d’immeubles « mixtes » à la fois sociaux et privés (thème déjà abordé) ou des immeubles privés voisins d’immeubles sociaux (approche retenue dans la reconstruction des Blagis).
Monsieur Candide : et Fontenay dans tout ça ?
Au moment où cela aurait été possible, et particulièrement au moment de l’augmentation du parc social de Fontenay (année 2010 particulièrement), la municipalité de l’époque a refusé de créer tout officie municipal de logements sociaux par la Ville elle-même ou en commun avec une ville voisine.
Lors de la fameuse opération de vente des immeubles Icade en 2010, la Ville de Fontenay a simplement cautionné des emprunts mis en place par les différents bailleurs et a eu des droits à affectation qui pouvaient concerner annuellement une centaine de logements pour une quinzaine d’années.
Aujourd’hui, ces droits ont quasiment tous disparu et les appartements attribuables sous baguette de la Ville se montent à moins de 20 unités/an, comme l’a souligné la Cour Régionale des Comptes dans le préambule de son audit.
Les appartements anciennement partie du contingent Ville-de-Fontenay en contrepartie de ses garanties financières, sont maintenant repartis dans les attributions des bailleurs concernés dont les cautions bancaires à son crédit ont disparu.
Les conséquences en sont dramatiques pour la Ville :
- Les villes voisines, dans leur propre contingent, arrivent à faire attribuer une partie de leurs logements à des locataires qu’elle pense devoir aider.
- Fontenay ne dispose d’aucuns moyens pour garantir une mixité des attributions en la Ville et ne peut que subir des choix faits par des responsables non-Fontenaisiens.
- Arrivent à Fontenay des gens tout à fait respectables mais non-Fontenaisiens, qui se voient attribuer un appartement à Fontenay mais qui repartiront dans une autre ville quand, après une naissance, par exemple, ils auront besoins d’un appartement plus grand.
- Clamart-Habitat (aujourd’hui VSGP-Habitat) loge en grande partie (et dans le respect des règles) des demandeurs Clamartois et ces familles peuvent connaître, pour certaines, un cursus immobilier totalement clamartois sur des décennies.
Responsabilité / irresponsabilité du Maire en fonction de la présence d’un office Logements Sociaux municipal :
Si, par hypothèse gratuite, le maire de Clamart gérait mal la maintenance des immeubles de Clamart-Habitat (ou VSGP-Hab.), il pourrait le payer aux élections suivantes ; si les immeubles sociaux de Fontenay sont mal entretenus, le maire de la Ville n’est aucunement responsable puisqu’il n’a la responsabilité d’aucun logement.
Conséquences économiques pour la Ville :
Il est évident que la non-maîtrise de ses affectations sur son parc social, 44% de son parc immobilier total, a conduit la Ville de Fontenay à connaître, durant une décennie, une baisse moyenne du revenu fiscal de ses habitants, quasiment seul cas des onze villes de VSGP (nous publierons une note sur ce sujet).
Cet aspect à la baisse s’accentue au fur et à mesure que les locataires ayant emménagé du temps des immeubles Icade partent (déménagement, retraite, décès, …) pour être remplacés par des locataires sociaux, DALO dans une proportion telle que mesurée ci-dessus.
Monsieur Candide : On dit que la situation financière des bailleurs sociaux est mauvaise ; cela présente-t-il des opportunités pour la Ville ?
De nombreux bailleurs souffrent : difficultés à encaisser les loyers face à une population qui, par les attributions et l’impact DALO, s’appauvrit, hausse des coûts de gestion, des taux de financement, …
Dans le contexte économique actuel et à politiques publiques constantes, il ne sera pas soutenable pour le secteur HLM de mener des politiques d’investissement permettant de répondre à la fois aux besoins élevés de production de nouveaux logements sociaux et à la nécessité de forte maintenance avec transformation écologique du parc existant.
Cette situation pourrait conduire certains bailleurs à revendre une partie de leur patrimoine de logements pour dégager de la trésorerie mais le problème est que les éventuels immeubles sociaux fontenaisiens qui pourraient être rachetés par la Ville (ou, plus vraisemblablement, par un arrangement avec Vallée-Sud-Grand-Paris-Habitat restant totalement à définir) sont, pour beaucoup, dans un état problématique. Un bailleur, cependant, dont nous terrons le nom, dispose d’un parc acceptable et, face à des difficultés financières, semblerait ouvert …. à revendre une grande partie de son parc fontenaisien.
Malgré ces problèmes, la prise de contrôle, le rachat par la Ville d’une part significative de son parc, directement ou plus vraisemblablement au travers de VSGP-Habitat, restent une priorité, selon nous.
Monsieur Candide : est-il vrai que la situation financière de la Ville est impactée négativement par la faiblesse de la taxe foncière payée par les bailleurs sociaux ?
La taxe Foncière sur la Propriété Bâtie (TFPB) est acquittée par le propriétaire.
Le locatif social bénéficie d’une exonération de 15 à 30 ans.
Outre ces exonérations, la TFPB sur le logement social fait l’objet de différents dispositifs d’abattements et de dégrèvements.
Pour ce qui concerne Fontenay, les bailleurs sociaux, 44% du parc total de la Ville, payent ainsi peu de taxe foncière ce qui majore le coût fiscal à supporter par les propriétaires fontenaisiens (occupants ou bailleurs privés).
La charge fiscale significative pour les Fontenaisiens ne résulte pas de la division du total de la taxe communale (26 millions d’€ en 2023) par l’ensemble des Fontenaisiens …. mais uniquement par les assujettis ordinaires ne bénéficiant pas d’abattement (6.700 foyers environ).
Jean-Michel Durand
Ancien maire-adjoint aux Finances et Logements-Sociaux 2014-2020
jean-michel.durand50@orange.fr
En savoir plus sur Les Nouvelles de Fontenay-aux-Roses
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Soyez le premier a laisser un commentaire