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Le renouvelable va-t-il nous sauver : L’éolien en mer, solution miracle sur laquelle la France serait en retard ?

Le président Macron vient d’inaugurer le premier parc éolien en mer au large de St Nazaire. Il veut aller deux fois plus vite sur le renouvelable.

Les journaux saluent cet évènement mais ne manquent pas de rappeler que la France est en retard en matière de renouvelable sur les autres pays européens.

Ce “retard” m’interpelle. Dire qu’on est en retard sur quelqu’un veut dire qu’on vise le même objectif, en suivant le même chemin. Ce que l’un a fait, l’autre le fera. Les deux font la même chose à un retard près. Dans le cas des éoliennes en mer, dire que la France est en retard veut donc dire que la France est censée imiter ou suivre les autres pays européens qui seraient prétendument “en avance” sur elle, qui feraient mieux qu’elle…

Mais depuis quand la France devrait-elle s’aligner sur la politique énergétique désastreuse de ses voisins ?

On pourrait dire au contraire que ces pays sont très en retard sur elle, dans la réduction des émissions de CO2 émises par leur production d’électricité. Ou encore qu’ils sont très en retard sur le nombre de centrales nucléaires en activité chez eux !

On continue de confondre moyens (les éoliennes) et objectifs (diminuer les émissions de CO2). L’objectif est-il de construire des éoliennes ou  réduire nos émissions de CO2 ?

Les pays européens doivent partager l’objectif de réduction de CO2 mais garder leur souveraineté sur le choix des moyens. La Commission Européenne ne leur a pas vraiment  laissé ce choix. On en voit le résultat catastrophique aujourd’hui.

Il y a aussi l’intermittence du renouvelable dont le président Macron a oublié de parler.

La production d’électricité renouvelable est intermittente, elle doit être compensée

Le mot intermittent est ici inexact mais il est consacré par l’usage. On ne veut pas dire que le renouvelable tantôt “marche”, tantôt ne marche pas. On veut dire que le renouvelable fluctue, et que nous subissons ses fluctuations : il ne se pilote pas, l’énergie renouvelable est produite indépendamment de la demande. On le qualifie d’intermittent.

Or la fonction d’un réseau électrique est de fournir à des consommateurs, la quantité d’électricité dont ils ont besoin, au moment où ils en ont besoin, là où ils en ont besoin. On veut que la lumière s’allume quand on actionne l’interrupteur… Dans un réseau électrique l’exploitant doit assurer l’égalité production-consommation, à chaque seconde, au hertz près, sous peine d’écroulement du réseau.

Il est donc nécessaire qu’existent dans le réseau des moyens de production, en plus du renouvelable, dont on puisse moduler la puissance. Ces moyens sont dits pilotables. Lorsque la demande varie, le gestionnaire du réseau rétablit l’équilibre en ajustant la production des moyens pilotables, les seuls sur lesquels il a la main. Et il en faut beaucoup car même un petit déficit de production par rapport à la demande peut provoquer un effondrement de tout le système.

Alors quand j’entends dire que les éoliennes (en mer ou ailleurs) sont LA solution, je m’inquiète et me demande si les décideurs n’ont pas oublié, ou ne sont pas en train de nier, le problème de leur intermittence. Que proposent-ils pour compenser l’intermittence du futur renouvelable que le président dit vouloir fortement accélérer ? Y a-t-il une solution autre que les centrales à gaz (ou pire à charbon) qui augmenterons nos émissions de C02. Ni l’hydrogène vert, ni le biogaz n’existerons dans les quantités requises, que ce soit demain ou après-demain.

Renouvelable et intermittence vont de pair

 Dans un réseau on a besoin, en plus du renouvelable,

d’énergies stockables (fossiles?) et de centrales pilotables

Ce que je vois quand je vois une éolienneFig 1 : éolienne dégoulinant de pétrole

Ce paragraphe est un commentaire de l’article de Vaclav Smil, un chercheur tchèque publié sous le titre “What I see when I see a wind turbine” dans la revue spectrum IEEE. (http://vaclavsmil.com/wp-content/uploads/15.WINDTURBINE.pdf)

Vaclav Smil constate :

l’énergie du vent est gratuite et aussi verte qu’une énergie peut l’être, mais les machines elles-mêmes sont de purs produits des énergies fossiles.

Il décrit le processus de pose d’une éolienne :

D’énormes camions apportent sur site, fers à béton et autre matériaux bruts nécessaires, des engins de chantier ouvrent des pistes vers des points hauts qui sinon seraient inaccessibles, des grues érigent des structures, et toutes ces machines brûlent du diesel.”

Il énumère les matériaux nécessaires :

Pour une éolienne de 5 MW, le fer nécessaire au renforcement des fondations représente 150 tonnes, l’axe des pales et la nacelle 250 tonnes, le mât 500 tonnes.”

Il indique qu’en 2030, 450 000 tonnes d’acier seraient nécessaires à la fabrication d’éoliennes d’une puissance utile de 2,5 Térawatt (3 Fessenheim). Il faut beaucoup d’énergie pour produire cet acier. Le minerai est fondu dans des hauts fourneaux, qu’on remplit avec du coke, un dérivé du charbon, et dans lequel on insuffle du gaz et du charbon pulvérulent. Pour produire l’acier nécessaire aux éoliennes de 2030, on consommerait en énergie fossile l’équivalent de 600 millions de tonnes de charbon.

Les pales d’une éolienne de 5 MW mesurent 60m de long et pèsent 15 tonnes chacune. Leur fabrication requiert des fibres de verre, obtenues en fondant de la silice dans des fours chauffés au gaz naturel.

Vaclav Smil fait remarquer qu’une éolienne produit en moins d’un an toute l’énergie consommée pour sa fabrication et son installation. Mais l’énergie qu’elle produit est intermittente, tandis que sa fabrication, son installation et sa maintenance, dépendent de façon critique de ressources fossiles spécifiques sans substitut : coke, pétrole, naphta, gaz naturel, diesel, lubrifiants. Des produits pour le plupart sans substitut. Finalement il conclut :

Pendant longtemps encore, tant que l’énergie utilisée pour fabriquer éoliennes et panneaux photovoltaïques ne proviendra pas uniquement de sources renouvelables, notre civilisation moderne restera fondamentalement dépendante des énergies fossiles.”

 Daniel Beaucourt, septembre 2022

Un commentaire

  1. GMB GMB 27 septembre 2022

    Excellentes remarques concernant la fabrication d’éoliennes qui nécessite beaucoup d’énergie et de ressources naturelles, comme, d’ailleurs, la construction de centrales nucléaire (sans oublier leur déconstruction !) . Quelques petites différences quant même : une destruction opérée par une armée ennemie n’aurait pas les mêmes effets sur un “bouquet” d’éoliennes que sur l’alimentation électrique nécessaire pour assurer la sécurité d’une centrale nucléaire , la production de déchets polluants difficiles à éliminer n’est pas non plus comparable dans ces deux types de production d’électricité.

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