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Incendies à Fontenay aux Roses : Sécurité, topographie et urbanisme – 2 ème partie

Monsieur Candide ! Reprenons notre petite étude sur les feux récents à Fontenay.

Incendie à Scarron :

Un samedi matin, 11h, sonnerie d’alerte « feu » chez les pompiers : un appel a signalé un feu dans un appartement dans un immeuble d’habitation, rue des Saints-Sauveurs à Fontenay.

Problème de Scarron : son accessibilité de ce territoire en contrebas des voies  Max-Dormoy et Foch ; Les pompiers le savent : la rue des Saints Sauveurs est une rue en impasse, difficilement accessible :

  • Par la rue des Bénards ; en face de la Médiathèque, la rue est d’abord en double-sens mais n’est praticable que par une seule voiture à la fois (entre le garage et le restaurant) puis en sens interdit avec obligation de passer par la rue des Sorrières ….

Les pompiers doivent respecter le Code de la Route et prendre un sens-interdit présente le risque de rencontrer une voiture dans le sens autorisé inverse, d’où risque de blocage, voire d’accident. L’angle des rues Sorrières / Scarron pose problème à l’échelle pour tourner.

  • La rue Marx Dormoy, en surplomb, ne permet pas l’accès à la rue des Saints Sauveurs
  • Par la rue des Fauvettes ; ralentisseurs problématiques pour des véhicules lourds, …
  • Meilleure approche : par l’avenue Foch et la partie de la rue des Bénards descendant de Bagneux (pente, quinconce de voitures en stationnement, …) : c’est cependant la voie peut-être la plus appropriée.
  • On notera que l’arrêt de bus sur Marx Dormoy (Sentier des Lilas), sans zone d’arrêt en retrait pour le bus, bloque voitures … et pompiers.  

La Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris (BSPP corps militaire) déroule son action. Dans les engins, les officiers et sous-officiers indiquent le trajet aux conducteurs, les hommes finissent d’attacher leurs vêtements et protections. Des informations complémentaires parviennent aux véhicules par radio.  5-6 minutes après l’appel reçu peut-être Porte de Champerret à l’Etat-Major (ou ailleurs) et répercussion des ordres au premier Poste de Secours avec « équipe feu » disponible et proche de l’adresse indiquée, les secours « se présenteront » au lieu du sinistre par un message radio spécifique : « A 11h03 (hypothèse), le premiers-secours de Clamart se présente rue des Saints Sauveurs, … ». Officiellement, l’intervention sur place commence. Chaque engin se « présentera ».

Pour ce feu annoncé, environ 70 pompiers (chiffre à confirmer) interviennent avec plusieurs véhicules.

Monsieur Candide : Pourquoi cet effectif ?

Cet effectif important (s’il est confirmé) témoignerait d’une intervention coordonnée entre deux centres de secours distinctes (voire plus) ; une autorité de la BSPP aura décidé d’envoyer 2 « équipes feu » (chacune : 1 Premiers-Secours, 1 Fourgon, 1 échelle soit une vingtaine d’hommes). Cette décision d’envoi d’une deuxième équipe peut avoir plusieurs origines :

  • Les appels téléphoniques de demande de secours sont nombreux et indiquent une intensité du problème
  • La mention de l’importance de la fumée par les témoins appelant au téléphone a, peut-être, conduit une autorité à envoyer des véhicules médicaux ou d’aide à la respiration.
  • Le premier officier/sous-officier arrivé demande lui-même des secours complémentaires face à ce qu’il perçoit comme un problème ou par précaution.

Une autre hypothèse est possible : une autorité sait que l’accès à Scarron est difficile, rues de Fontenay étroites, risques de voir les engins bloqués dans la circulation … d’où la décision d’envoyer deux « départs feu » partant de deux centres de secours géographiquement différents (Clamart, Bourg-LR, Montrouge, … ??), en augmentant ainsi la probabilité que l’un des matériels arrive rapidement. (Nous ne connaissons pas le détail des matériels envoyés et n’en resterons ici qu’aux hypothèses.).

On voit cependant dans cette intervention trois aspects caractéristiques de Fontenay en matière de sécurité : topographie, rues étroites, bâtiments anciens. Nous reviendrons sur ces différents aspects.

Renforts : un gradé en intervention peut demander TOUS les secours complémentaires qu’il estime nécessaires. Il les recevra tous.  Précaution d’abord ! Dans notre cas, il est vraisemblable qu’il y ait eu demande d’un engin pour « assistance respiratoire » ; Un « départ-feu », dans son matériel standard, ne possède que 3 ou 4  masques d’aide respiratoire, sauf évolution récente, mais certainement pas la dizaine potentiellement nécessaire en notre incendie de Scarron.

Risques à proximité : Dès réception de l’appel, l’organisation de la BSPP a déjà contrôlé qu’il n’y avait pas, à proximité de l’adresse indiquée, écoles, hôpitaux, ou autres bâtiments présentant des risques spécifiques. En cette hypothèse, l’ordre serait donné d’envoyer, non pas les équipes pour un feu d’appartement mais les moyens prévus pour cet établissement répertorié comme à risque spécifique, même si ces moyens sont considérables (ces moyens sont définis à l’avance au cas par cas). Pour le dire simplement, pour un feu dans une poubelle proche d’un hôpital, on envoie les secours POUR l’hôpital.

Poursuivons : la rue des Saints Sauveurs est une impasse et les premiers véhicules d’intervention stationnés et en action bloquent le passage (voir photo ci-après ; l’échelle barre la rue).

Blocage de la rue : d’où risque : si le feu se propage plus loin dans la rue (flèche verte, direction Marx Dormoy), pourrait survenir alors un problème d’accessibilité.

La camionnette blanche (flèche rouge) sur la photo n’était vraisemblablement pas stationnée à cet endroit, sur le passage en sortie de la cour-parking de l’immeuble, lors de l’arrivée en sens inverse des pompiers, mais elle a dû (vraisemblablement) s’y garer en urgence pour laisser libre la chaussée et favoriser ainsi le déplacement vers l’avant de l’échelle (flèche verte) ou de tout autre engin.

Le problème est que cette camionnette empêchait ainsi l’accès éventuel d’autres véhicules de pompiers pour sauvetage ou attaque du feu par la cour arrière du bâtiment (flèche jaune).

Lors de leur intervention, les premiers pompiers arrivés (de manière certaine, ici, avant l’arrivée de l’échelle automatique sur camion) ont géré parfaitement la disposition des lieux ; ils ont laissé libre la place devant l’immeuble pour que ladite échelle mécanique puisse s’y positionner.

Les pompiers du « Premiers-Secours » ont eu accès à l’étage en feu en utilisant une échelle à crochets (flèche bleue photo ci-dessus) pour accéder, par l’extérieur du bâtiment, à la fenêtre du premier étage et à l’appartement en feu.

Monsieur Candide : Echelles à crochets ?

De manière générale, le règlement d’intervention de la BSPP prévoit que le pompier, avec cette échelle à crochets, pourra monter du rez-de-chaussée au 1er étage par l’extérieur le long du mur, puis accrochant l’échelle sur ses pointes en bordure de la fenêtre de l’étage suivant (ou au balcon), il montera au 2ème, 3ème, … et plus si affinités.

Dans une autre approche, l’échelle à crochets permettra d’atteindre les étages où ni l’échelle automatique ni l’échelle à coulisse classique ne permettent d’accéder.

L’ascension de l’échelle à crochets nécessite une très légère dextérité et une solide force. En effet, le sapeur-pompier :

  • S’élève gracieusement, au début de la montée, à la force des bras (traction) le long des montants jusqu’à ce qu’il puisse atteindre l’échelon inférieur avec un pied (la faible largeur de l’échelle et la prudence interdissent de mettre deux pieds sur un même barreau)
  • Monte alors, comme pour une danse, en posant alternativement, sans saccade, un pied légèrement engagé sur chaque échelon
  • Les genoux en dehors, le tronc collé à l’échelle en un corps-à-corps torride
  • Les mains glissant amoureusement le long des montants, la main droite s’élevant en même temps que le pied gauche et inversement (comme pour un slow langoureux),
  • Les yeux regardant le haut de l’échelle (minoration du vertige et risque face à ce qui pourrait tomber)

Cette échelle ne sert JAMAIS à descendre des personnes civiles (sauf …).

Dans l’incendie qui nous intéresse ici, le recours à l’échelle à crochets provient vraisemblablement du fait que :

  • L’arbuste au sol, sous la colonne de fenêtres, interdisait de poser là le pied d’une échelle à coulisse classique et, surtout,
  • La pente du sol, sous les fenêtres, empêchait d’y faire reposer horizontalement les deux pieds de ladite échelle.

(L’approche « écolo » a toujours constitué un danger ; humour !).

Le sous-officier dirigeant l’opération de sauvetage a donc utilisé une échelle à crochets, plus légère et moins large, échelle à crochets griffant, en appui, le rebord de fenêtre du premier étage (celui en feu).

Les pompiers vont cisailler la clôture verte du jardinet qui freinait l’accès aux échelles.

Résumons : le sauvetage de deux personnes n’a pas été effectué par l’échelle à crochet mais cette dernière a permis l’accès à l’appartement en flamme.

Monsieur Candide : dans un incendie, quel est le risque le plus élevé ?

Dans un incendie, le risque le plus élevé est généralement de mourir asphyxié par les fumées chaudes et toxiques plus que par les flammes elles-mêmes : Les résidents des 2ème, 3ème et 4ème étage à Scarron pourraient vraisemblablement en témoigner.

Monsieur Candide : le niveau de fumée en notre incendie à Scarron est-il anormal ?

Non : l’exemple ci-dessous, autre feu d’appartement en un autre lieu, est totalement comparable :

Ceci étant, il serait intéressant que le Laboratoire Central recherche les causes de ces fumées : matériaux liés au bâtiment lui-même, meubles ou contenu de l’appartement ?  Présence de matériaux ou liquides particulièrement problématiques ???? (Enquête obligatoire après décès de victime).

Nous avons quelques idées sur ce sujet.

Impossibilité d’évacuation :

A Scarron, les personnes présentes dans les appartements, tant du premier étage que de ceux du dessus (2ème 3ème, 4ème) ne pouvaient pas utiliser les couloirs de circulation pour échapper au sinistre tant la fumée était épaisse ; l’un de ses habitants nous a déclaré qu’«il ne voyait pas à 30cm ».

Les gens aux mêmes étages mais avec fenêtres sur l’autre façade, ne pouvaient pas évacuer les lieux du fait de ces couloirs enfumés bloquant l’accès à l’escalier mais ils pouvaient respirer un air entaché de fumée, certes, mais encore respirable… Les fenêtres sur l’arrière permettaient d’« aérer ».

Un résident du deuxième étage, au-dessus de celui en flammes, a envisagé de descendre par la gouttière verticale : difficile et périlleux. Solidité du zinc ? de l’accrochage au mur ?

L’ensemble des personnes en appartements au-dessus de celui en flammes ou à proximité risquaient ainsi de mourir asphyxiées.

Une personne aurait sauté du premier étage pour tenter d’échapper aux flammes, après avoir lancé un matelas sur l’arbuste en contrebas ; gravement brûlée et souffrant de traumatismes, cette dame a été transportée en urgence pour être placée dans un caisson hyperbare à l’hôpital Percy à Clamart (vraisemblablement poumons atteints par les fumées chaudes). Malheureusement, elle a succombé à ses blessures.

Plusieurs autres résidents (cinq) ont été intoxiquées par les fumées, deux pompiers ont été blessés.

Monsieur Candide : On doit s’interroger sur le fait que les couloirs des parties communes aient été remplies de fumée à ce point : quelles sont les raisons de cette situation ?

Compte tenu du décès d’une personne, le Rapport Général d’Incendie (RGI), à rédiger par l’officier au commandement et l’analyse du Laboratoire Central permettront peut-être de répondre :

  • Est-ce que la personne dont l’appartement brulait, a ouvert sa porte d’entrée pour essayer d’évacuer par le couloir ? En cette hypothèse, elle aurait alors dû trouver un couloir, une cage d’escalier libres de fumée (ou, pour le moins, utilisables) et évacuer. Telle n’a pas été la solution puisqu’elle est restée ! Le couloir devait déjà être totalement enfumé. ???
  • On peut supposer que cette dame ne pouvant ainsi pas sortir de son appartement, soit réentrée chez elle et, dans le stress, ait laissé la porte d’entrée de son appartement ouverte, accentuant ainsi la propagation des fumées vers la cage d’escalier. ???
  • Cette dame étant décédée, nous n’en sommes, ici, qu’aux hypothèses.
  • L’attaque du feu par les pompiers ne s’est effectuée que par les fenêtres sur rue et non par escaliers et couloirs intérieurs. L’officier a-t-il pris cette décision parce que le couloir était difficile d’accès (enfumé, sans visibilité) même pour des pompiers ? L’avantage de cette tactique (passer uniquement par les fenêtres) est de ne pas risquer d’augmenter les appels d’air et donc d’intensifier le volume des fumées chaudes au sein des couloirs de communication de l’immeuble.

Nous poursuivrons dans le cadre d’un troisième article.

Jean-Michel Durand

Ancien officier des Sapeurs-Pompiers de Paris.

Maire-adjoint aux Finances et Logements-Sociaux 2014-2020

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