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La place du Général de Gaulle : évitons le piège de l’utilité !

La place du Général de Gaulle à Fontenay-aux-Roses, me disait quelqu’un, donne “un goût inachevé”. Ça m’a fait réfléchir.
La place donne en effet l’impression d’inachevé, sans doute due aux écarts de niveaux, aux trous et au manque de cohérence du revêtement. Il suffit peut-être de réparer ces quelques problèmes pour mettre la place en valeur. Mais j’ai peur qu’on aille plus loin en voulant rendre la place plus utile. Cela pourrait “l’achever” au mauvais sens du terme.
La Grand Place au Plessis-Robinson
Prenez la “Grand Place” au Plessis-Robinson, que j’ai filmée ici : https://www.youtube.com/watch?v=N9t5wUTfdTY&feature=youtu.be. Cette place est à l’évidence totalement achevée. Plus rien n’y rentre. Mais à quel prix ?
Pour moi, on y est tombé dans le piège de ce que Nuccio Ordine appelle la “barbarie de l’utilité”. C’est comme si en aménageant l’espace on s’est dit : “il faut que chaque mètre carré soit optimisé et ait une fonction spécifique très clairement indiquée”. Le résultat: un espace à l’aspect “extrêmement utile” qui me fait penser à un bureau de poste avec des panneaux, des coins et des guichets pour faire ceci (se garer) ou cela (s’asseoir sur la terrasse). Mais en regardant la place elle me fatigue sur-le-champ, tellement ça grouille et ça sent l’utilité optimisée.
Vers la fin de la vidéo vous voyez, en bas de l’écran, l’entrée du parking souterrain. Cette rampe parachève pour moi cette impression d’une “usine qui tourne” à littéralement tous les niveaux, à une cadence automobile impressionnante d’ailleurs.
La place du Général de Gaulle à Fontenay-aux-Roses
La place du Général de Gaulle me fait l’effet contraire. Elle me repose instantanément. Pourquoi?
D’abord détrompez-vous : ce n’est pas parce qu’elle est plus grande. Car on peut très bien aménager un tout petit espace de façon à lui donner un caractère reposant. Comme la place Eugène Dumur à Châtillon, qui est aussi entourée de magasins et de restaurants :
Cette placette est agréable car elle est piétonne, mais aussi car elle a ce qu’il faut d’inutile pour s’y sentir bien. Il y reste encore un peu de cette richesse de plus en plus rare dans nos villes : de l’espace et du volume perdus. Il y a des arbres par exemple : sur un arbre on ne peut pas marcher, pas s’asseoir et pas se garer. Il y a aussi une fontaine : un objet inutile qui occupe pourtant une place démesurée sur la place Eugène Dumur.
Il faut de l’inutile
Je pense que la même analyse s’applique à la place du Général de Gaulle à Fontenay-aux-Roses. Elle est si agréable justement car il y a de l’espace inutile, inexploité, inoccupé par une voiture ou par un aménagement urbain particulier, sans panneau, sans banc. Je m’y sens bien justement grâce à ces dizaines de mètres carrés où on peut se perdre un peu sous les arbres pour….. se retrouver.
Ce sont ces espaces inutiles dont on a besoin pour survivre dans un milieu de plus en plus dense et utile. Car ils nous aident “à évader de la prison, à éviter l’asphyxie, à transformer une vie plate ou une non-vie en une vie fluide et dynamique, mue par la curiositas pour les choses de l’esprit et pour l’humaine condition” (L’Utilité de l’Inutile, Nuccio Ordine, p. XXII). C’est cette curiosité justement qui est tuée en une fraction de seconde lorsque je regarde la Grand Place au Plessis-Robinson. Sa parfaite utilité tue instantanément ma curiosité à coups de poteaux, de places de parking, de rebords, d’objets, de rampe de parking, de grandes façades uniformes et de mètres carrés ultra-réfléchis et optimisés.
Regardez de nouveau la vidéo pour observer, à la 28ième seconde, le Monsieur qui vient de traverser la route et qui doit presque faire le funambule sur le rebord d’un trottoir de quelques centimètres de large à peine pour rejoindre la terrasse. C’est affligeant de voir cela : l’espace tampon pour se sentir à l’aise sur la terrasse y est totalement sacrifié pour une histoire de rentabilité. Ça me rappelle cette phrase de Théophile Gautier: “L’endroit le plus utile d’une maison, ce sont les latrines”.
Ceci n’est pas une croisade contre M. Pemezec ou M. Vastel
Je ne dénigre nullement la commune du Plessis-Robinson, qui regorge au contraire d’atouts : des trottoirs et une chaussée de qualité, de belles rues avec des petits pavillons anciens bien entretenus, des petits centres visibles et reliés par un système de passerelles, etc.
Ma démarche consiste seulement à pointer le risque d’une possible dérive utilitaire et densificatrice: une dérive qui est à mon avis à éviter absolument à Fontenay-aux-Roses si nous voulons y préserver l’esprit village. 
 Cela exige de nous deux choses :
  1. considérer l’espace comme un luxe à préserver et non pas comme quelque chose à remplir automatiquement à bloc pour le « rendre utile » ; et
  2. apporter de l’originalité.
Etre dans l’opposition est facile: il suffit de dire “non”
J’ai aucun doute sur le fait que les Fontenaisiens sont tous d’accord sur ces deux points. Mais je constate aussi que souvent le débat s’arrête là. On s’enferme souvent dans l’opposition en disant “non” quand on vous propose quelque chose comme ceci:

Mais on ne montre pas ce qu’on veut à la place.
Attention: je ne veux pas critiquer ici le manque de consultation publique sur le devenir de la place, mais seulement préparer une réunion citoyenne. Très concrètement, je vous mets au défi:
  1. de montrer des images d’immeubles ou de constructions originales que vous verrez bien achever la place du Général de Gaulle sans l’achever, et
  2. de les apporter ensuite à la réunion que CIVIFAR organise le 19 juin à 20h30 dans la Salle du Château Sainte-Barbe. 
Car dire « non » est une chose très facile, alors que montrer ce que qui serait mieux est un geste hautement plus difficile, noble, citoyen et surtout utile pour notre ville.
Stein Van Oosteren

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